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jeudi 12 avril 2007

Arnaud Michniak - MJC Pichon, Nancy (06/04/2007)


Grand retour à la MJC Pichon


La seule et unique fois que j’avais entre aperçu Arnaud Michniak c’était en 1997 lors du festival un jour à Bordeaux. Il se produisait alors au sein du mythique groupe toulousain Diabologum. Puis Diabologum a cessé d’exister et Michniak a poursuivi sa route en rejoignant Damien Bétous dans l’aventure Programme. Seulement à cette époque-là, j’étais dans une autre vie : le monde merveilleux de la petite enfance et de la découverte des joies de deux maternités rapprochées. Mon quotidien rimait alors plus avec pédiatre qu’avec Michniak. Et ce sont quelques années plus tard, de retour à une réalité musicale autre que celle de Henri Dès et des teletubbies, que j’ai reçu comme une claque tout le travail de Arnaud Michniak. Dans la même semaine, j’ai écouté, assimilé, digéré Mon cerveau dans ma boucheBoguel’enfer tiède, et même le quasi-introuvable Génération finale. Ecouter Programme, les textes de Michniak, sa façon de déclamer cette vision réaliste, torturée, noire, enragée du monde, de notre quotidien, ça marque évidemment. Déjà dansDiabologum, Arnaud était un peu la face sombre du groupe toulousain avec des morceaux devenus au fil des ans de plus en plus dérangeants. Ma découverte récente de l’oeuvre de Michniak vira vite à l’amertume, car Programme étant alors en stand-by, il était impossible de voir le groupe en live. Amertume d’autant plus exacerbée, que sur le net circulaient quelques versions audio de concerts du groupe ainsi que deux extraits vidéos d’un live à la Boule Noire(bien connus d’un certain grand monsieur du Cargo !). Mais l’espoir de revoirProgramme sur scène était quand même là, je savais Michniak embarquée dans la longue production de l’album de son copain Fredo Roman deNonStop... et donc une fois cela abouti il allait forcément revenir sur scène. Surtout que rarement, je n’avais vu un artiste susciter une telle attente, mes aventures virtuelles m’ont permis de croiser la route de bon nombre de personnes dans une quête quasi-pathologique de quelques bribes de nouvelles concernant le toulousain. Les infos circulant à son sujet sont très rares : on savait juste qu’il s’était mis à faire de la vidéo, qu’il suivait une formation audiovisuel dans une fac toulousaine. Un jour un jeune homme me contacta même personnellement pensant, je ne sais pour quelles raisons loufoques, que j’étais à la ville Madame Michniak ! ....héhéhé .... Et puis il y a un an, un monsieur du Cargo ! (celui des vidéos) croisé sur l’éphémère forum Cargo nous conta cette terrible nouvelle : il avait croisé Arnaud à un concert parisien de NonStop .... et celui-ci semblait vraiment décidé à ne plus jamais refaire de musique pour lui, plus de scène non plus....Ses projets se limitant désormais à de la production et de la vidéo. Je me souviens parfaitement de ce sentiment qui me parcourut alors : des regrets mêlés à une grande tristesse d’avoir raté quelque chose d’inratable, de ne pas avoir été là au bon moment. Je m’étais résignée me disant qu’on avait déjà de très belles oeuvres à écouter et réécouter, qu’il était normal pour un artiste de cette trempe de vouloir sans cesse renouveler ses centres d’intérêts et ses productions, et que si l’aventure se transformait maintenant en aventure visuelle, on le suivrait sur ce terrain-là. Et puis, parfois la vie réserve de belles surprises et quasiment un an après ce deuil musical, le Cargo ! encore ! nous apprenait cette fois des nouvelles beaucoup plus réjouissantes : 2007 serait l’année du grand retour du toulousain sur scène, d’abord en solo avec un album en mai, avec deux premiers extraits (“1000 voix” et “Poing Perdu”) déjà très prometteurs et quelques premiers concerts en avril. Ce qui fut une aubaine pour la strasbourgeoise que je suis c’est que le grand retour de cet artiste mythique du label nancéen ici d’ailleurs ne se ferait ni à Toulouse ni à Paris mais à Nancy ...
Alors ce vendredi 6 avril, billet de train en poche, direction Nancy et sa MJC Pichon pour un apéro concert qualifié de « Slam Rock » !

Dernières minutes avant la délivrance


L’apéro étant offert pour toute arrivée avant 20 h , dès 19 h 30 le hall de la Mjc Pichon se remplit tranquillement. Avant d’entrer, je repère quelques personnes prenant la soleil sur une terrasse quelques étages plus haut, j’ai beau être loin je reconnais Arnaud Michniak en tee shirt vert et pull noir. Mon cœur commence à battre la chamade, je réalise que je suis proche de réaliser l’un de mes plus grands fantasmes scéniques de ces dernières années... Mais si j’étais super déçue ? et si Michniak était complètement insignifiant sur scène ? et puis ce sera son premier concert depuis des années, j’ai entendu tellement de choses sur son caractère, son attitude , si il était si désagréable, voire odieux avec le public à me dégoûter de réécouter Programme ? le doute m’envahit : et si je n’y allais plus ... allez, je repars à Strasbourg, comme ça je ne serai pas déçue... et puis non bon sang ! je suis à Nancy, après moult tractations familiales , j’en connais un qui risque de très mal prendre mon retour sans avoir été voir Michniak ! Je m’engouffre alors dans le hall, une jeune fille fort sympathique m’aborde me demandant si je viens aussi pour le concert « slam rock ». je lui explique que je viens même exprès de Strasbourg pour ça, celle-ci surprise me répond alors : « ah ?? mais il est connu ce type, ce Michniak ? » Ohlalalala, la malheureuse !! mais que me raconte-t-elle, comment a-t-elle pu vivre toutes ces années sans se douter de l’existence de « ce type » ? Je me lance alors dans une explication fort détaillée du pedigree du monsieur, DiabologumProgrammeetc ... Et on attend, je reconnais dans le hall quelques têtes strasbourgeoises, des fans, des vrais , qui ont aussi fait le déplacement, des gens en attente comme moi du retour du monsieur, des chanceux qui eux avaient pu le voir sur scène à l’époque programme. Puis m’arrive l’anecdote cocasse de la soirée, l’association organisant le concert, se met en place pour la vente des billets, je m’avance, quand les deux jeunes femmes préposées à la vente chuchotent, me regardent fixement et l’une d’elles me fait « excusez-moi, vous ne seriez pas Sfar ? Sfar de Myspace ? Je vous ai reconnu ! » Je suis perplexe : jusqu’à présent j’avais été la fille de, la femme de, la maman de, maîtresse .... Et là j’accède à un statut de reconnaissance sociale quelque peu étrange : « Sfar de Myspace » ! Enfin tout cela a le mérite de me faire patienter, car l’attente avant concert fut longue, très longue, trop longue ! C’est que le bel Arnaud se fait attendre. Et à 21 h 15 on nous invite enfin à accéder à la salle des réjouissances.

Enfin Arnaud face à Moi

Elle est très chouette la salle de la MJC Pichon : une toute petite salle assise, avec une très belle scène, c’est très classe. Un écran en fond de scène, une guitare et un micro côté droit. Une autre guitare et quelques appareils de bidouillages côté gauche certainement pour R (guitariste de Nonstop) qui accompagne Arnaud pour ses concerts. Nous sommes une bonne trentaine de personnes qui attendent sagement le retour de l’un des enfants les plus marquants de la scène rock indé française de ces dernières années. Les deux hommes arrivent ENFIN !Michniak est là, tout juste devant moi, il se dirige vers le micro le prend d’une main, croise l’autre bras sur son torse et attend, les yeux presque fermés, dans un moment de concentration intense. Je m’attendais à voir un petit teigneux, désagréable, l’air hautain, je me retrouve face à un petit garçon, absolument adorable, tout intimidé et qui attend là comme on passe l’oral du bac... La technique coince un peu : la vidéo a du mal à partir. Regards inquiets de R,Arnaud Michniak est impassible , dans une concentration extrême. La vidéo démarre, la guitare de R aussi, le concert débute avec le morceau “Poing Perdu” l’un des titres en écoute depuis déjà quelques semaines sur le site du label Ici D’Ailleurs. Et pendant que Michniak nous assène des phrases fortes qui ont fait la griffe de Programme, des images se succèdent en arrière plan : des plans loufoques, des choses rigolotes d’autres plus trash comme une nana qui vomit dans des toilettes. On reconnaît Michniak sur la vidéo qui se promène avec des potes dont Fredo Roman (NonStop) et pendant ce temps là le vrai Michniak, celui face à moi, assène « personne ne m’arrêtera puisque je ne vais nulle part ». A cela s’ajoutent des samples de bruits étranges, stridents, stressant rendant l’atmosphère particulièrement intense. Alors, étrangement à la fin de ce premier morceau, personne, je dis bien personne, n’ a osé applaudir. Il faut dire que pas mal de gens sont là parce qu’il y avait un apéro gratuit et je repense de suite à la jeune fille croisée dans la hall qui venait là voir du slam façon Grand Corps Malade ! c’est évident que cette entrée en matière a sans doute dérouté les gens qui n’avaient jamais entendu parler de « ce type ». Je découvre alors unMichniak que je n’imaginais absolument pas comme cela, jetant des regards complices à son guitariste, lui souriant entre chaque morceau. Dès le titre suivant le public se lâchera vraiment sur les applaudissements. Michniak nous sourira et nous remerciera très gentiment. La vidéo s’arrête et Arnaud prend ensuite sa guitare . Vont se succéder plusieurs morceaux beaucoup plus rock, à deux guitares. Ces titres presque tous inédits sont excellents, avec des riffs accrocheurs, des mélodies entêtantes sur lesquelles Michniak avec son phrasé hargneux formule si justement les maux de la société ou du quotidien. Un seul bémol pourtant pour “Mille Voix”, écouté et réécouté puisque c’était l’un des rares morceaux disponibles avant concert, un morceau qui perd un peu de sa force dans l’interprétation à deux sur scène.Mais l’ensemble des titres joués a gardé cette âme qui existait dans Programme, et nous sommes transportés par un duo de guitares d’une très grande efficacité. Le concert est presque terminé et je dois hélas partir, retour dans la capitale alsacienne oblige ! La soirée fut belle, très intense et loin d’être décevante. Je retiendrai surtout cette hargne verbale d’un Michniak heureux d’être là et de partager son retour sur scène avec nous. Un Arnaud Michniak qui me semble plus apaisé, complètement épanoui dans les différentes voix qu’il s’est choisies : que ce soit la vidéo ou le retour à la musique. Il me semble avoir atteint là une maturité et une complémentarité artistique qui lui faisaient peut être encore défaut à l’époque de Programme. Un peu comme si on ne l’avait jamais quitté ces dernières années, ce retour marque une belle continuité dans le parcours de cet homme, et aux vues des très nombreux projets qu’il prépare pour les prochains mois il va y en avoir des choses intéressantes à voir et à écouter de son côté.
Un concert de Arnaud Michniak , c’est quelque chose de rare. Un concert avec Arnaud Michniak, je n’en ai jamais douté et c’est maintenant une évidence : ça ne se rate pas.