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samedi 19 janvier 2008

Morrissey - La Laiterie, Strasbourg (18/01/2008)


Où ça, où ça ?
L’année 2008 sera l’année de tous les dangers. Après une récente spécialisation en Radiohead et faisant fi de griefs personnel que j’ai envers le Moz depuis des décennies, j’ai eu envie d’aller enfin voir en concert un des artistes que je déteste le plus. Il faut dire que la présence de quelqu’un de la stature de Morrissey dans l’intimité de La Laiterie de Strasbourg avait de quoi donner envie... même aux plus réticents. C’est donc dans une salle pleine à craquer, avec un public de clones allemands du moz que la soirée a pu débuter. En guise de préambule, nous avons d’abord assisté à la prestation des Girl In the Coma : trois filles, disons plutôt une fille et deux fortes personnalités. On ne peut pas vraiment parler de finesse d’interprétation, de grande classe dans ce qu’elles nous ont proposé. C’est plaisant à écouter... quelques minutes. ça passe le temps. En fait, c’est surtout étonnant de voir ce genre de groupe américain un peu balourd comme choix de première partie de Morrissey sachant qu’elles ont assuré de nombreuses dates de la tournée.
Les filles ont à peine terminé leur set, la lumière ne se rallume même pas, que sur un écran géant (en fait un drap gigantesque cachant la future scène deMorrissey) des projections commencent. Et là attention on en prend plein les mirettes ! ça décoiffe dans tous les sens ! Nous ne sommes pas pour rien dans le 21ème siècle à l’ère de l’Iphone et des concerts retransmis via internet ! Pèle mêle on verra défiler un scopitone de “Où ça où ça” avec un Sacha Distelencore prépubère, une vidéo de Brigitte Bardot qu’une nana derrière moi reconnaîtra immédiatement en hurlant « OUAiiiiiiiiI c’est Sylvie Vartanelle !! », des prestations live des New York Dolls, un extrait de la série Les Incorruptibles et une assez longue séquence montrant les essayages deJames Dean lors du tournage de A l’Est d’Eden pour terminer enfin par une prestation télévisée de Gene Vincent. Le tout sous le regard plus ou moins attentif du public et de « Morrissey, Morrissey, Morrissey, Morrisseyyyyyyyyyyy » scandés par les clones allemands en état de pré-transe.
A la vision de toutes ces séquences vidéo une évidence s’impose, Morrissey cherche à nous faire passer un message : il serait en fait une sorte de Gene Vincent avec la classe d’un Sacha Distel , la beauté d’un James Dean, le sex appeal d’une BB avec peut-être même la punk attitude des New York Dolls !

I am the son
Le concert va débuter et de suite c’est la grande classe : les musiciens arrivent sur scène, chemisette blanche impeccable, petit nœud papillon à froufrous autour du cou. Ils sont suivis par Morrissey qui fait une entrée de star, que dis-je de mégastar ! Il faut reconnaître que même avec les plus mauvaises intentions du monde, quand on se retrouve à moins de 2 mètres du Moz et que celui-ci entre en scène en interprétant la chanson des Smiths “How soon is now” nous sommes émus, forcément très émus en entendant cette voix qui n’a pas changé. Et hop 20 ans dans les dents : on se revoit casque de walkman sur les oreilles traînant dans les rues pour se rendre au lycée ou encore la hifi de la chambre à fond en hurlant des « De toute façon vous ne comprendrez jamais rien à ma vie !!! » sur fond de vocalismes de Morrissey et de guitares de Johnny Marr. Mais ce soir nous sommes en 2008, la musique défile en mp3 dans des écouteurs, les crises d’ados ont sauté une génération et “How Soon is Now” est interprété par un vieux beau.
Pour ne pas être totalement de mauvaise foi, ce début de concert est une très agréable surprise. Alors que je m’attendais à une soirée crooner molasson à souhait, voilà que se succèdent des morceaux assez rock mettant en transe tous les mini-moz germaniques autour de moi. Le charisme de Morrissey est indéniable et en effet il a la classe enfin une certaine classe : la « Moz classe ». En le voyant là, chemise noire dont les manches sont retournées au 1/3 , chaînette autour du cou et arborant un cravate à l’effigie de James Dean d’un goût discutable, je comprends pourquoi l’après midi même nous avions reçu un mail nous prévenant d’un possible refoulement si nous nous rendions au concert munis d’un portefeuille à chaînette ou d’un sac banane ! Entre chaque morceau,Morrissey n’aura de cesse de nous montrer sa dextérité dans le jeté de cravate par-dessus l’épaule. Je n’ai toujours pas bien saisi la signification profonde de ce geste réalisé avec une belle élégance mozienne, peut-être était-ce là une touche érotique dans un show devenant de plus en plus intense. Le concert avançant, chemise s’ouvrant de plus en plus, cravate abandonnée, chemise changée à trois reprises, le Moz nous propose un mélange de vieux titres dont certains se trouveront sur la compilation à venir ainsi que quelques très bons morceaux deRingleader Of The Tormentors.

I’ll Never Be Anybody’s Hero Now
Comme vous l’aurez compris je ne suis pas une grande connaisseuse de la discographie de Morrissey, du coup pas mal de morceaux m’ont échappé (pas aux mini-moz par contre qui y allaient tous de leurs « Ahhhhhhh » « Ohhhhh » lors des différentes intros). Malgré deux ou trois passages un peu soporifiques l’ensemble du concert se tient admirablement. Le morceau “You Have Killed Me” est tout autant puissant lors de son interprétation sur la scène de La Laiterie que sur album. “Life is A Pigsty”, que j’attendais impatiemment depuis le début de la soirée, est interprété magistralement. La mise en scène l’accompagnant est d’une force émotionnelle rare : que ce soit grâce aux éclairages stroboscopiques ou par les effets sonores d’orage et de tonnerre, ce titre marque l’un des moments les plus intenses de la soirée. Le concert durera près de 1 h 20 (l’unique morceau de rappel compris). Les titres seront ponctués d’interventions du Moz. A la manière d’un Alain Delon du rock Indé, celui-ci s’avance grimaçant vers le public, vers son public, tend les bras pour serrer des mains, entend les interpellations de fans en transe mais daigne à peine jeter un regard aux malheureux fanatiques se trouvant à quelques mètres de lui. On sent bien qu’on doit déjà se réjouir qu’il soit là pour jouer pour la première fois de sa carrière à « Strassebourgueu ». Et c’est déjà beaucoup... un privilège pour lequel certains n’ont pas hésité à dépenser 150 € au marché noir le jour même.
Cette soirée ne changera pas mon opinion sur l’artiste et son œuvre. Même si j’allais à La Laiterie voir un Moz vieillot et pathétique et que j’ai trouvé là un Monsieur Morrissey de grande classe malgré quelques côtés absolument imbuvables de sa personnalité. Cette occasion rare de se retrouver dans une salle à taille humaine avec un artiste hors du commun était à ne surtout pas rater. Au final : aucun regret pour un concert vraiment très particulier.