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mercredi 18 octobre 2006

Matt Elliott+I&fused+Thomas Belhom - La Laiterie, Strasbourg (16/10/2006)


C’est à la Laiterie de Strasbourg que s’achevait la tournée 1+1+1. L’excellent label nancéen, Ici d’Ailleurs, avait ainsi proposé quelques dates à I&Fused,Thomas Belhom et Matt Elliott pour présenter ensemble leurs tous récents projets. Affiche alléchante !

Motivé il faut rester
Même légèrement en retard, j’ai pu profiter du set de David Lavaysse. aliasI&fused. Installé sur la droite de la scène, ce charmant jeune homme ouvre donc la soirée. Il bidouille des sons électroniques mêlés à quelques instruments acoustiques. Et c’est le plus souvent à la guitare qu’on le retrouve. Les influences sont variées : ses morceaux oscillant entre une folk mélancolique, un rock électro, flirtant même par moment du côté obscur de la pop. Le jeune homme est un peu maladroit, il tâtonne parfois mais tout cela reste très sympathique. Pourtant on le sent moyennement motivé. Serait-il las de cette mini-tournée qui s’achève ? Un peu comme ces élèves qui bâclent la présentation d’un exposé ou qui récitent vitesse V un poème, l’envie d’en finir rapidement sera confirmée par un : « Ah ?? Il me reste donc encore 15 minutes sur scène ? Bon on va trouver encore des petites choses à jouer ! ». Allez David, encore un petit effort !! Et les morceaux proposés au final seront sans doute ses meilleurs de la soirée. Cela valait la peine de rester motivé. Il nous offrira d’ailleurs une bien surprenante reprise de Black Sabbath. Tout cela sous l’œil attentif d’un Matt Eliott venu fumer nerveusement à mes côtés durant le set de son ami. Il est comme ça Matt Elliott : un grand gaillard toujours attentionné et tellement généreux envers ses comparses de soirée. Déjà lors de sa précédente venue à Strasbourg il s’était mêlé à un public plus que restreint pour écouter religieusement Yann Tambour présenter son projet Thee Stranded Horse.

L’homme à la banane
Le jeune I&fused débarrassé de sa corvée de concert, c’est au tour de Thomas Belhom de prendre place, partie gauche de la scène cette fois. L’artiste n’a pas la candeur du garçon qui l’a précédé ; il en impose d’emblée. On sent de suite l’homme, le vrai, celui qui assure : l’artiste multi instrumentiste, le percussionniste de talent expérimenté. Pourtant, après un morceau enlevé, à la rythmique intense nous frôlons l’incident. Thomas Belhom nous faire part de sa grande fatigue, il se sent mal, au bord de la crise d’hypoglycémie, si quelqu’un dans l’assistance peut lui fournir une barre chocolatée ou un sucre il pourra peut-être poursuivre le concert ! Le public est perplexe, pour ma part je pense à une blague, me demandant si ce ne sont pas les pieds nickelés en concert que je suis venue voir. Surtout que le grand numéro de « Je suis malade » c’est généralement Matt Eliott qui nous le propose en préambule de son set. Apparemment, les concerts précédents et le voyage pour rejoindre la capitale alsacienne ont été bien éprouvants. Une banane strasbourgeoise sauvera la soirée du numéro 2 des +1. Et trois bouchées plus tard c’est un Thomas Belhom complètement transcendé qui nous proposera la plupart des morceaux de son nouvel album No Border avec une rigueur dans l’interprétation et une grande concentration pour un set impeccable. Là encore Matt Eliott s’est faufilé dans le public cette fois accompagné du jeune I&Fused bien revigoré de ne plus être sur scène. Et malgré les cigarettes qui défilent, le stress s’accroissant, Matt, tout comme nous savoure, cet incroyable moment, ce grand moment où Thomas Belhom jongle de façon magistrale avec ses baguettes tout en nous proposant de bien jolies mélodies agrémentées de quelques sons très particuliers : parfois une cloche, objets de récupération de toute sorte... L’homme aux percussions conjugue ainsi efficacité et originalité.

The man of the failing songs
Le tour du grand Matt arrive enfin. Un peu gêné d’être sur scène, il nous confie qu’il est ENCORE malade (tiens donc), que sa gorge n’est pas sûre de tenir, qu’il va faire ce qu’il peut. Pour un malade je le trouve carrément en forme ce soirMatt Elliott. Il présente ses toutes nouvelles Failing Songs et déjà sur la première il pousse le chant à des extrêmes que peu de gorges malades pourraient supporter. Il est là et bien là ce chant si particulier de Matt : cette manière de forcer tout en douceur, de mettre une intensité toute en retenue, je ne sais pas comment il se débrouille mais en tout cas la magie opère. Et l’atmosphère si particulière qui accompagne ses disques et ses concerts se met peu à peu en place. J’ai toujours autant de mal à me dire que Matt est seul sur scène pour faire tout cela. Très naïvement lors de la tournée précédente je m’attendais à voir pléthore de musiciens et de chœurs entourant monsieur Elliott. Je fus alors époustouflée de le voir LUI : seul avec son Mac, ses pédales, ses samples et quelques instrument. Il n’usurpe absolument pas son titre de génie de l’electronica anglaise, de l’electronica tout court même. Le public de la Laiterie, en partie assis par terre, écoute religieusement des morceaux où son chant mélancolique, où ses boucles de samples se mêlent, s’emmêlent et s’entremêlent à l’infini. Et c’est dans un de ces moments de communion totale, que Matt d’un ton professoral interpelle la foule : « Where is Thomas Belhom ? ». On sursaute, on se demande ce qui se passe : Matt s’inquièterait-il de la santé précaire de son ami ? Et là notre artiste numéro 2 de la soirée enjambe la scène et rejoint Matt et voilà un bien beau duo en place. Bien vite I&fused arrive lui aussi : le trio , qu’aujourd’hui tant de spectateurs parisiens nous envient, est ainsi formé ! Le moment est magique les trois hommes improvisent, se répondent, s’harmonisent et I&fused se retrouve fort inspiré de partager la scène avec ses deux aînés. Alors, même si ce merveilleux moment fut avorté pour cause de souci technique (un des grands classiques Elliottien aussi), il a eu le mérite d’exister et de ponctuer merveilleusement cette soirée Ici D’ailleurs. Comme toujours avec Matt Elliott ce fut beaucoup trop court, mais les moments partagés étaient si beaux et tellement intenses, qu’on n’a rien à regretter, juste à espérer qu’il reviendra très vite.

dimanche 15 octobre 2006

Pere Ubu - La Laiterie, Strasbourg (14/10/2006)


Je m’étais rendue à La Laiterie pour voir le groupe de cold-wave français Frigo, je ne connaissais absolument pas Pere Ubu, formation pourtant mythique qui existe depuis plus de 30 ans avec à sa tête un personnage : David Thomas.

Avant l’arrivée du groupe une certaine inquiétude s’était emparée du public, le chanteur du groupe Frigo, MaxB, nous ayant proposé un énigmatique laïus concernant Pere Ubu (en gros cela disait "c’est un ’con’", faut espérer qu’il sera sympa ce soir, hier soir (au Nouveau Casino) il a été odieux, il traite son public, ses musiciens et les techniciens comme de la merde ...’). Après enquête il s’avère qu’en effet la prestation du Nouveau Casino, la veille, avait été chaude, très chaude : après le premier titre, "Slow Walking Daddy", David s’était mis à hurler en sautant en l’air et à insulter les ’fucking Frigo’, ce ’fucking french band’ ; ’bien plus important que Pere Ubu’, en se demandant depuis quand les ‘support-band’ empêchaient le groupe principal de faire un ‘fucking sound-check’. Il avait été jusqu’à demander au public de ne jamais acheter un ‘fucking record’ de ces ‘fucking Frigo’.
Ambiance en effet... et du coup, il fallait être très motivée pour rester à La Laiterie avec une telle mise en bouche.
Les membres de Pere Ubu arrivent alors sur scène... David avec à la main une bouteille de vin qu’il boit au goulot.
OK, le ton est donné : la soirée sera éthylique ou ne sera pas !
En effet, tout au long du concert ‘David Pere Ubu’ s’enfilera 5 Kros et terminera une bouteille d’alcool fort. D’ailleurs chose amusante Pere Ubu, qui n’est vraiment pas organisé comme garçon, arrive avec son pack de Kro mais n’a pas de décapsuleur ! Diantre !! Quelle faute de goût !
Il n’a même pas commencé à chanter qu’il n’a qu’une idée en tête trouver de quoi ouvrir ses bouteilles, ça promet pour la soirée !
Mon voisin allemand lui tend alors son briquet mais Pere Ubu ne semble pas comprendre quoi en faire. Il ne connaît pas les extraordinaires capacités dont sont dotés nos voisins Outre-Rhin. Tout au long de la soirée, nous aurons droit à un festival d’ouvertures de bouteilles de bières à l’aide d’un briquet (seuls les allemands sont capable de telles performances !!).
Accompagné de musiciens vraiment excellents le show débute, Pere Ubu (je vais nommer ainsi le chanteur de Pere Ubu) quant à lui a droit à son chevalet-aide mémoire pour les paroles. Cela peut se comprendre il n’est plus tout jeune, le groupe existe depuis 1975 alors ce n’est pas si grave et d’ailleurs cela donne quelques scènes cocasses : quand un morceau débute et que Pere Ubu se rend compte qu’il n’est pas à la bonne page et se met frénétiquement à feuilleter son livret dans tous les sens.
Pourtant, je dois reconnaître qu’il n’a jamais défailli, chaque morceau était interprété avec autant de grâce. Celle-ci étant d’ailleurs inversement proportionnelle à l’état de déchéance éthylique accompagnant notre bon vieux rockeur durant les pauses : celui-ci s’avachissant lamentablement sur une chaise, fumant, cigarettes sur cigarettes, nous proposant ses plus belles tirades misogynes, lançant des clins d’œil absolument dégoûtants à toutes les femmes devant la scène.
Et il n’y a pas que sur scène que l’atmosphère était étrange : dans la salle on comptait une sorte de punk, des fanatiques allemands et surtout un dandy bizarre se mettant en transe à chaque morceau. Il n’y avait pas énormément de monde mais les amateurs de Pere Ubu étaient bien là, des fans de tout âge d’ailleurs : des ados comme des cinquantenaires.
Pere Ubu est sans doute un personnage exécrable quand il est trop bourré, ce soir là à Strasbourg, il était plutôt touchant dans sa fragilité, ses interprétations étaient vraiment impressionnantes et les morceaux proposés excellents ...
Sacrée découverte pour moi et me voilà avec une forte envie d’ en écouter un peu plus sur ce que ce groupe a fait toutes ces dernières années.
Sacré bonhomme aussi !